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Focus sur le parcours d'un Inseecois - Tristan Guerout (promo 2011)

Focus sur le parcours d'un Inseecois

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09/12/2019

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Tristan GUEROUT (promo 2011)

Responsable de bases humanitaires dans des organisations non gouvernementales internationales

De l’INSEEC au management opérationnel d’urgence


N’avez-vous jamais entendu des paroles insidieuses et regardé son auteur droit dans les yeux pour lui faire comprendre que s’il poursuit il rencontrera une puissante opposition ? Avez-vous alors ressenti cette volonté profonde et guerrière, ce petit point de l’émotion qu’il est bon et nécessaire de cultiver car il nous rappelle que malgré toutes les concessions il y a des combats pour lesquels l’on se battra toujours ?


N’avez-vous jamais remarqué que la détermination trouve son expression la plus entière lorsqu'elle est motivée par nos valeurs les plus profondes ? La capacité de résilience repousse ses limites lorsque le combat est juste.


Je me rappellerai toujours ces regards d’hommes et de femmes ayant fui les combats, comme cette mère que je rencontrais au lendemain de la prise de Mossoul : son regard n’exprimait ni la peur ni la faiblesse mais seulement une détermination sans faille, une rage de vivre.


Chers INSEECien(ne)s, c'est avec un réel plaisir que j’ai découvert des profils divers et variés au sein de cette belle institution et certain(e)s m’ont demandé de témoigner de mon parcours.  Je crois au travail, à la saine concurrence, à la nécessité de produire et de développer nos technologies, nos compétences et c’est avec fierté que j’utilise ces croyances pour limiter la mortalité des réfugiés ou des victimes de catastrophes naturelles.


C’est un sentiment qui m’est apparu adolescent, une force qu’il faut, pour servir les valeurs constituantes de notre culture, de notre éducation, de notre être collectif.


A la fin de ma dernière année d’école, après un an de stage, mon employeur a proposé de renouveler mon contrat et malgré mon envie de continuer à me construire au sein de cette entreprise, j’ai répondu d’une voix puissante et assurée : « Je vous remercie pour cette proposition mais je veux suivre mes aspirations premières, et travailler pour des ONG internationales, me confronter à d’autres cultures pour mieux comprendre ce qui me définit ».


Peu de temps après, une ONG pour laquelle j’avais postulé à chacune de mes périodes de stage, me recontacte et me donne la chance de défendre mon profil. J’avais longuement analysé et identifié l'origine de mon ressenti et la meilleure réponse, toujours d’actualité, était ce sentiment de détermination par lequel je me devais de commencer mon propos. À la suite d’une journée de formation permettant de sonder les réactions des candidats aux défis de l’humanitaire avant l’entretien d’embauche, je me retrouve face au recruteur :

« Pourquoi voulez -vous faire de l’humanitaire ?
- Par, égoïsme
- Je veux bien accepter cette réponse, mais il vous faut étayer votre propos.
- J’ai travaillé et réussi à développer du plaisir à aider mon prochain. Exercer un métier qui me permettra de vivre cette plénitude correspond donc à la poursuite d’un objectif égoïste. Sourire du recruteur. J’étais pris. »


Vous pourriez penser à ce stade de la présentation que mes actions et décisions se basent uniquement sur le ressenti, les émotions que les interactions génèrent… et pourtant ….  Je suis un matheux, un analyste qui se méfie des travers auxquels peuvent conduire les états affectifs. J’ai trouvé un point d’équilibre, lorsque l’analyse rationnelle s’exprime en synergie du ressenti, la volonté ne connait plus de faille. C’est un des besoins de l’humanitaire : analyser froidement les conditions de vie difficiles des réfugiés. Nos politiques génèrent des tensions internationales, créent des réfugiés et aimeraient contrôler ce phénomène pour ne pas parjurer les valeurs qu’elles veulent défendre.


Du Moyen-Orient à l’Asie en passant par l’Afrique, j’ai fait parler les chiffres à travers des tableaux Excel : combien coûte un accès à l’eau potable ? dans quelles proportions les maladies hydriques sont-elles réduites ? dans quelle mesure ces populations déracinées ont-elles accès à une alimentation adaptée et riche en nutriments ? quelle proportion de cette population se lave les mains avant de manger et après avoir déféqué ? Autant de calculs qui permettent de mobiliser les moyens nécessaires à la survie des populations civiles prises dans les enchevêtrements de guerres complexes.


Cassons quelques idées reçues supplémentaires, l’humanitaire d’urgence fonctionne comme un « marché » ; les ONG répondent à des appels d’offre internationaux, elles sont en compétitions entres elles. Celles qui produisent les meilleurs résultats obtiennent, pérennisent leurs financements tout en cherchant à développer le tissu socio-économique local et lorsque cela devient possible, à trouver des stratégies de sortie. Tous les métiers « classiques » sont représentés : logistique, RH, administration, finance… et les contrôles internes et externes sont extrêmement précis. L’environnement de travail est intense : les exigences sont fortes, les heures nombreuses, le turn-over rapide et les affects importants dans des situations souvent stressantes, les conditions de vie peuvent être difficiles… Nous sommes des professionnels performants et compétitifs.


Oubliez l’image de l’ingénu pétri de bons sentiments, il n’a pas longtemps sa place sur les théâtres d’opération, alors il s’adapte ou change d’orientation. 


Souvent j’entends : « Il en faut des gens comme toi » ; pourtant je ne me perçois pas différent des personnes que je rencontre de retour au pays. Je crois que c’est le même sentiment qui habite l’entrepreneur qui investira tout ce qu’il a et permettra la création d’emplois, la commerçante qui connait la valeur de ses produits, la professeure qui cherchera des moyens d’appuyer des profils brillants, le vigneron qui se consacre à développer des nectars en puisant son énergie dans l’amour qu’il porte à sa terre, le shaper qui transcende sa fascination pour l’océan en outils pour l’honorer…


Ce sentiment existe chez chacun d’entre nous. Je considère fausse l'idée d'une dissociation entre les cœurs des hommes. J’ai l’honneur de pouvoir discuter avec des communautés de cultures riches et variées, de voir des réseaux d’eau et d’assainissement se construire et limiter les pertes humaines et je puise dans l’énergie d’une certaine indignation pour donner envie de faire mieux, de ne jamais abandonner. 


Ne pas s’améliorer c’est mourir, ne plus se battre pour ce que l’on aime c’est abdiquer face au désespoir… les valeurs que l’on défend sont la base de nos sociétés et nous devons en être conscients.



Tristant Guerout (Promotion 2011 – INSEEC Bordeaux)


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